Apocalypse Snow

Aujourd’hui, dans ma grande bonté, je vais dévoiler sous vos petits yeux chafouins et ébahis un autre de mes talents. Aujourd’hui, je vais vous décrire ce qui adviendra dans un futur très proche. Eh oui m’sieurs dames : je prédis l’avenir. Rien que ça. J’te jure.

Pour l’instant tout est calme. Ciel dégagé, températures froides, mais bien de saison. Circulation fluide, écoliers à l’école, bouloteurs au boulot, chômeurs au bistrot, taux de cholestérol stable, compte en banque garni (mais pas trop : on est déjà le 9, quand même…), bref : tout roule.

Dans quelques heures pourtant, le pays sera dévasté par une invasion. Ça arrive par le nord, lentement mais sûrement. Les plages sont touchées en ce moment même, la côte est déjà presque totalement envahie. C’est une armée. Disciplinée, méthodique, bien entraînée. Ses soldats sont anonymes, ils sont légions, rien ne les distingue les uns des autres, ou si peu. Silencieux pourtant, malgré le nombre. Ils se fixent l’un contre l’autre, consolidant ainsi leurs positions. Ils usent de leur nombre pour entraver les infrastructures, bloquer la circulation, prendre le contrôle de nos villes, paralyser nos campagnes. Rien ne peut les stopper. Une dérisoire défense chimique sera bien mise en place, bien sûr. Mais elle ne fera que retarder, un peu, l’inexorable.

Terroristes barbus ? extra-terrestres farceurs ? criquets affamés ? ministres wallons en quête de nouvelles taxes ? Rien de tout ça, hélas. Ce jourd’hui, le fier royaume de Belgique subi de plein fouet une attaque menée à l’aide d’une arme d’obstruction massive. Vous l’aurez deviné : ce jourd’hui, il neige. Et c’est joli, la neige.

neige sale

Sisi, c’est joli, ne niez-pas.

Mais comme à chaque fois, ces quelques centimètres de flotte congelée en haute altitude vont se répandre partout sans demander votre permission. Comme d’habitude, quelques camions en ciseaux suffiront à bloquer plusieurs centaines de kilomètres d’autoroute. Par la même, les engins de salage (les moyens chimiques dont je parlais plus haut, si t’avais pas compris) seront eux aussi immobilisés,  aggravant ainsi une situation déjà chaotique. Les malheureux automobilistes, incapables de maîtriser leurs trajectoires, finiront, qui dans une congère, qui dans la portière du précédent. Un accident d’auto signifiant pour le commun des mortels un avant-goût de l’Apocalypse, ils ne penseront pas à bouger leur tas de tôle, mais s’empresseront avec entrain de maudire la neige, l’incurie des pouvoirs publics, ce connard d’assureur et sa saloperie de franchise, Dieu et tous ses Saints, et surtout ces abrutis de constructeurs qui fournissent des pneus neige qui glissent sur la neige ! (ce scandale…). Ainsi, laissant leur rutilante bagnole ruinée au milieu du jeu de quille, ils encombreront d’avantage encore les embouteillages, qui n’en demandaient pourtant pas tant.

Les malins qui auront pensé à prendre le train n’y échapperont pas non plus. Comme chacun sait, une locomotive de trouzemille chevaux, ça se laisse bloquer comme une conne par trois centimètres de poudreuse. La preuve :

train neige

Bien entendu, le corollaire indissociable de cette invasion floconneuse, c’est le traitement médiatique y associé. Puisque chacun sait que la majorité de la population est constituée d’aveugles, de mecs qui n’ont pas pensé à mettre des fenêtres à leur maison ou qui vivent dans une cave, un simple constat pouvant pourtant se résumer à « Hé, t’as vu ? il neige ! » sera traité par toutes les chaines nationales en multiples sujets. Sans déconner ?

Donc, puisque je vous fais l’honneur de prédire ce qui va vous arrivez, faites comme moi : prenez les devants ! N’allez pas bosser. Si vous êtes déjà à l’usine, fuyez ! les routes sont encore libres. Vous aurez ainsi le loisir d’apprécier un mug de vin chaud au coin de l’âtre, ce con de chat sur les genoux, en contemplant la dégringolade des flocons sur le monde. Si vous êtes aussi cynique que moi, vous aurez alors une pensée émue pour tous les blaireaux coincés dans ce désastre. Et vous vous direz : « Bien fait, t’étais prévenu« .

 

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